J’entends actuellement beaucoup de commentaires sur le business « déclinant » des pharmacies en France :
« Une pharmacie ce n’est plus un commerce rentable », « Nombre de pharmacies sont en faillite, ou ne trouvent plus repreneur », « La grande distribution voudrait intégrer la vente de certains médicaments »…
Ils ne prennent plus le temps de faire du conseil, de réaliser leurs anciennes « préparations magistrales » de nouveau très tendance actuellement et même vendent des produits « retirés de la vente » (laits Lactalis). Ils vous dispensent des premiers soins, assis sur un tabouret au milieu du magasin (du vécu !). Certains, par idéologie personnelle, refusent même de vendre dans leur officine des produits contraceptifs.
Au mieux, le client se retrouve dans un espace exigu, derrière un comptoir, sans aucune intimité, à attendre son tour, ordonnance à la main. Mais comme ce client ne paye pas, il n’exige pas en retour beaucoup de relations particulières.
Santa Maria Novella à Florence : une “pharmacie de bien-être corporel musée” pour vous enchanter
La semaine dernière à Florence, j’ai visité la plus ancienne pharmacie au monde occidental (actuellement devenue plutôt une parfumerie de luxe) : la pharmacie Santa Maria Novella possède des filiales à Venise, Lyon, Montpellier, Aix-en-Provence, Rome, Paris.
Depuis 1221, de leur propre potager, des moines dominicains préparaient des baumes, médicaments et pommades. En 1612, la pharmacie ouvrit ses portes au public. En 1866, le Gouvernement italien confisqua les biens de l’Eglise, en accordant la direction de l’officine au neveu du dernier moine.
Quand on pénètre dans l’officine : Wow ! Quel plaisir pour les yeux. D’abord elle constitue un véritable « monument historique » parmi les plus visités et les plus photographiés de Florence.
On y trouve que des produits artisanaux conçus et fabriqués avec soin, protégés par un label DOP (origine contrôlée) dont la célèbre « Eau de la reine » à base de bergamote que Catherine de Médicis emporta en France. Elle en mettait même dans sa soupe pour se parfumer de l’intérieur. Déjà en 1381 les dominicains de Santa Maria Novella vendaient cette eau de rose comme antiseptique en période d’épidémie, notamment de peste !
Au XVIIIe siècle, les moines organisèrent un véritable commerce, ils exportaient leurs produits en Inde et en Chine.
La plus ancienne et la plus moderne
A commencer par le le site Internet de la pharmacie qui constitue une véritable leçon d’histoire ou un site touristique remarquable (expédition dans le monde entier).
Les vendeuses parlent plusieurs langues (clientèle asiatique nombreuse oblige).
Quand vous pénétrez dans l’officine, d’abord vous êtes imprégné d’un parfum très agréable, puis on vous donne une carte magnétique pour enregistrer tous vos achats au fur et à mesure de votre passage dans les rayons, à la sortie vous payez (quoi de plus normal), mais on vous remet tout de suite tous vos achats emballés et pour certains en “emballage cadeau” individuel, si vous l’avez demandé.
À l’entrée à gauche, se trouve un grand écran tactile, relié au site du magasin sur lequel vous pouvez vous informer, choisir et faire vos achats, sans passer par un rayon, payer avec votre carte de crédit, prendre vos courses “emballées” sans attendre, et prendre toutes les photos que vous souhaitez avant de sortir (enchanté par une telle expérience).
Bien sûr, vous me direz que cette pharmacie se situe dans un lieu historique, qu’elle a eu des clients célèbres, Ferdinand II de Médicis, Dante Alighieri, Catherine de Médicis, Giacomo Leopardi, le poète Byron ou encore Pouchkine ,Monica Bellucci, Penélope Cruz ou encore Eva Green…qu’on y a tourné : Casino Royale et Da Vinci Code. Cela aide à la notoriété de l’établissement, mais cela peut servir d’exemple : même dans un lieu classé historique on peut moderniser, digitaliser son commerce, et se lancer dans la vente en ligne* de produits renommés de qualité.
C’est un exemple à suivre remarquable, en connaissez-vous d’autres ?
Source photos : Pharmacies du Monde sur Pinterest
Compléments d’informations à l’article ci-dessus
*La vente de médicaments sur Internet en France
Depuis le 2 janvier 2013, les pharmaciens établis en France, titulaires d’une pharmacie d’officine ou gérants d’une pharmacie mutualiste ou d’une pharmacie de secours minière, peuvent vendre des médicaments sur Internet, à partir du site Internet d’une officine de pharmacie – la cessation d’activité de l’officine de pharmacie entraîne donc la fermeture de son site internet -.
Un gisement de croissance offert aux pharmaciens d’officine dynamiques ou de nouvelles opportunités de baisse du prix des médicaments? (Là, est la question)
Actuellement, dans le dos des réglementations françaises, des milliers de produits de santé, vrais ou faux, sont déjà vendus en ligne. “Plus de 50 % des médicaments achetés sur des sites Internet dissimulant leur adresse physique sont des contrefaçons,” selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Selon un sondage Ifop Iracm/Unifab : 9 % des sondés en ont déjà acheté sur Internet et 26 % se disent disposés à le faire dans un cadre légal pour :
– bénéficier des livraisons à domicile ou du drive ;
– des renouvellements de médicaments en ligne ;
– du conseil sous une forme plus interactive, en particulier dans les « déserts médicaux ».
Pourtant, 77 % des professionnels de santé se déclarent défavorables à la vente de médicaments sans ordonnance sur Internet par des pharmacies françaises – enquête JIM en 2013 -.
Le Gouvernement a élaboré un code de «bonnes pratiques» truffé de mesures très restrictives :
– Les boutiques en ligne devront obligatoirement être adossées à une pharmacie avec « pignon sur rue » ;
– La présentation des produits en ligne sera strictement encadrée, de manière à rester neutre, claire, non trompeuse et informative (en évitant les dénominations de fantaisie ou communes du médicament, les indications thérapeutiques et possédant leur autorisation de mise sur le marché) ;
– Le site devra cependant comporter une différentiation de son offre, afin de distinguer clairement les médicaments des autres produits vendus par l’e-pharmacien (parapharmacie, soins vétérinaires…) ;
– La préparation des commandes ne peut se faire qu’au sein de l’officine, dans un espace adapté à cet effet. Elle relèvera de la responsabilité du pharmacien et soumise aux règles de déontologie applicables à l’officine ;
– Ces plates-formes Web devront recevoir l’aval de l’autorité régionale de santé dont ils dépendent. En attendant, seuls les sites déjà ouverts ont le droit de continuer à exercer ;
– Les pharmaciens ne pourront vendre en ligne que les produits qu’ils ont en totalité en stock dans leurs officines ;
– Les prix « en ligne » clairement affichés, ils devront être identiques à ceux pratiqués dans leur officine.
– Pour passer une commande en ligne, vous serez obligé de remplir un questionnaire où il vous faudra indiquer quel type de traitement vous suivez, si vous avez ou non des allergies, si vous êtes enceinte…votre âge (au moins 16 ans), votre poids. Ce questionnaire devra être validé par l’ « e-pharmacien » ;
– Aucun forum de discussion n’est autorisé, ni aucune sous-traitance de tout ou partie de l’activité de vente en ligne, à l’exception de la conception et de la maintenance du site ;
– Ne pas recourir à des techniques de référencement payantes via des moteurs de recherche ni à des comparateurs de prix ;
– Le choix du nom de domaine de l’e-pharmacie ne devra pas être fantaisiste ni avoir un objectif promotionnel ;
– Un compte personnel du client devra récapituler l’intégralité des commandes et des échanges avec le pharmacien, qui devra s’assurer que le patient aura bien pris connaissance et accepté ces conditions générales(CGV) avant paiement en cochant la case « j’accepte » ; tout en incluant un dispositif technique, sécurisé pour assurer la confidentialité des échanges, entre le pharmacien et le patient. (Loi informatique et libertés du 6 janvier 1978) ;
– Le patient pourra se faire livrer ou bien passer prendre sa commande à l’officine, auquel cas son dossier pharmaceutique sera mis à jour des médicaments retirés ;
– Un dispositif de blocage des commandes doit être mis en place sur le site pour éviter le dépassement de la quantité maximale autorisée ;
– La facture comportera le nom et l’adresse de la pharmacie ainsi que le nom du pharmacien qui a dispensé le médicament. Ces factures sont conservées trois ans.
– L’e-pharmacien ne pourra pas se financer par une entreprise produisant ou commercialisant des produits de santé (laboratoires) ;
– Le site de l’e-pharmacie devra comporter des informations relatives à l’identification de l’exploitant du site conformément aux règles énoncées dans la Loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN du 21 juin 2004), complétées par les informations spécifiques telles que le numéro Répertoire partagé des professionnels de santé du pharmacien, le numéro de licence de la pharmacie ;
– Le site devra également intégrer des liens hypertextes vers les sites Internet de l’Ordre national des pharmaciens et du ministère chargé de la Santé ;
– Les délais de traitement de la commande et de livraison seront précisés au patient ;
– En cas d’erreur de délivrance (erreur de produit ou produit détérioré), l’e-pharmacien devra rembourser le patient selon les modalités décrites dans les CGV.
Un décret (arrêté du 20 juin 2013, J.O. du 23) stipule que : « Le commerce électronique des médicaments doit être réalisé à partir d’un site Internet dont la création a été autorisée par le directeur général de l’agence régionale de santé territorialement compétente. Et qu’il répond à un certain nombre de bonnes pratiques ».
« Les notices attachées à ces produits, notamment les précautions d’emploi et la posologie, seront disponibles en ligne et imprimables ».
L’ensemble de ce dispositif entre en vigueur au 12 juillet 2013.
Bravo pour cet article.